Bus de nuit...nuit de m...

 

25 janvier 2014. Uyuni. Un air de Beirut dans les oreilles, je reprends la route avec tout mon barda sur le dos. En solo. Ça faisait longtemps. Dans la rue où s’alignent les compagnies d’autobus, je regarde les panneaux. Je ne sais où aller.

 

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18h30

D’un côté, Potosi et l’histoire de ses mines. De l’autre, Tupiza et ses paysages lunaires. Je viens de quitter Maud et Val qui remontent vers le Pérou et je n’ai pas vraiment pensé à la suite de mon itinéraire. Tout est passé si vite : Machu Picchu, Lac Titicaca, La Paz, le Salar d’Uyuni… Je suis désorientée! Moi qui avais l’habitude de prendre mon temps durant ce voyage… En plus, un début d’angine me guette depuis quelques jours…

Les enfants, ce soir, ce n’est pas la grande forme!

 

Bon, il faut que je me décide, on se retrouve dans le bus.

20h10

Un jus de mangues dans la main gauche, un poulet frites/riz/pâtes dans la droite (le combo infernal , spécialité bolivienne, qui vous remplit l’estomac avant même de l’avoir « dégusté »), le tout pour 20 bolivianos (2 euros), me voilà dans le bus. Finalement, c’est Tupiza qui aura eu raison de moi. Ses canyons, ses montagnes rouges, ses paysages de western, il n’en fallait pas plus pour me convaincre… Sauf que j’arrive à deux heures du mat. Ça va encore finir sur le sol de la gare d’autobus cette histoire! Ma pauvre angine, je l’entends d’ici me supplier d’arrêter!

 

Je crois être un peu nostalgique. Comme si le monde entier me manquait. Les parents, les frères et sœurs, les amis, ma grand-mère décédée il y a cinq ans… ma chambre, une soirée sur le balcon avec ma colocataire, Evelyne. Même la tartiflette et l’odeur de la baguette me manquent. C’est pour vous dire! J’évite de regarder les photos prises avec Maud et Val… non, non… résiste…non… trop tard!

20h50

Un monsieur Bolivien me tient compagnie sur le siège d’à côté. La quarantaine, aux cheveux et aux habits ordinaires. C’est vrai qu’ils ont plus ou moins tous le même look dans les campagnes. Pas vraiment soignés, ni vraiment sales, mais ordinaires! Les femmes, elles, pour la plupart, portent l’habit traditionnel : superposition de jupons accentuant leurs rondeurs, un sombrero d’où se dégagent deux longues tresses qui leur tombent dans le dos et un gros balluchon fait de larges bandes de tissus bariolés qu’elles utilisent pour transporter leur bébé ou leur marchandise qu’elles vendent sur les marchés. On a toujours l’impression qu’elles portent leur maison sur le dos.

Je trouve les Boliviens plus timides que les Péruviens. Voire même un peu froids parfois. Mais pour faire passer mon coup de blues et dérider mon voisin, je décide de lui taper la causette :

«  Tu habites à Tupiza? »

Un sourcil se lève puis un mouvement de tête l’amène à me considérer quelques instants.

« Non, à Uyuni, mais je vais à Tupiza pour régler une affaire. Et toi, d’où viens-tu? ».

 

Dans un espagnol pas encore tout à fait au point, je lui raconte en quelques phrases mon histoire, mon voyage, mes projets en Bolivie. Puis je partage une orange… Pedro est déridé, ça y est!

21h40

Alors que je suis sur le point de tomber dans les bras de Morphée, Pedro relance la conversation :

« Tu as l’air malade, qu’est-ce que tu as? »

Merde, je n’ai pas encore appris le vocabulaire médical… je vais m’essayer avec des gestes (je commence à avoir de bonnes bases dans le langage des signes à force de chercher mes mots).

« Bobo ici et ici. No sé que es! Un peu mal aux oreilles et à la tête. Mais j’suis forte, demain ça ira mieux! »

« J’ai des médicaments à la maison si tu veux. À base de plantes. En descendant du bus, on peut aller chez moi ».

T’es mignon Pedro, mais le coup du « tu viens chez moi » à 2 heures du matin, ça sent - UN PEU - le plan foireux!

« Merci Pedro, j’ai des médicaments dans mon sac en soute, ça va aller! »

22h30

Il faudra m’expliquer un jour, pourquoi, lorsqu’on est malade, les symptômes s’aggravent toujours la nuit. Je n’ai pas toussé de la journée, et là, depuis 10 minutes, j’offre un concerto privé à cinquante personnes. Même le bébé chialeur (il y en a souvent un dans les bus) fait la gueule parce que je lui ai piqué la vedette!

Pedro aussi fait la gueule. Je l’ai réveillé en sursaut avec mes toussotements… et en plus, comme il commençait à pencher un peu trop dangereusement sa tête sur mon épaule, j’ai dû lui donner un léger coup de coude. Vous trouvez que je suis vache? Pas moi! Je ne suis pas d’humeur à prêter mon épaule à un inconnu, encore moins à un Pedro qui vous invite chez lui au beau milieu de la nuit!

23h50

Je viens de terminer la saison 7 de Grey’s Anatomy. Bon, ce n’était pas vraiment une surprise après l’avoir visionné trois fois (je suis à court de séries et de films), mais ceux-là étaient en espagnol… un bon exercice de pratique.

Mince, ma batterie arrive bientôt à plat… je vais essayer de dormir un peu.

3h

Vous ne devinerez jamais où je me trouve!! J’ai finalement atterri chez Pedro. Ou plutôt chez ses filles. À la sortie du bus, elles l’attendaient. Il ne m’avait pas bien expliqué… ou j’avais mal compris- ce qui est plus probable. En récupérant mon sac, ses filles ont insisté pour m’héberger, et comme je n’avais ni l’envie de dormir sur le sol de la gare d’autobus, ni la force d’arpenter les rues en quête d’un hôtel sûrement fermé, j’avais rendu les armes! En plus, c’était la première fois qu’un Bolivien m’aidait autant, sans rien demander en échange… étonnée… je n’ai pas pu refuser.

« Bon, c’est très sommaire, nous n’avons pas de lit pour toi, mais tu seras mieux ici que dans le terminal d’autobus. Et surtout plus en sécurité ».

Sommaire. Le mot est faible! Mais ce n’est pas la première fois que je découvre l’intérieur d’une maison (les autres fois, c’était au Pérou). Je m’y attendais un peu. Dans cette petite bicoque faite de briques, quelques meubles se battent en duel dans la pièce principale (une table, trois chaises, une télé, une gazinière qui a servi plusieurs générations de Boliviens) et deux lits remplissent la pièce d’à côté. Bien sûr, pas de chauffage! Pedro m’a gentiment apporté une couverture que j’ai posée sur le sol… je suis prête à m’endormir, camouflée dans mon sac de couchage (je vous raconterai plus tard l’histoire des punaises tueuses)… épuisée! Bonne nuit!

6h

Je me réveille en sursaut au son d’une casserole qui vient de tomber sur le sol. Super, la journée commence bien! Je ne suis généralement pas de bonne humeur très tôt le matin, mais avec la nuit que je viens de passer, je suis comme une cocotte-minute prêteàexploser. L’une des filles me propose un bol de riz que je refuse poliment. Je n’ai qu’une envie : partir, trouver une chambre d’hôtel, me doucher, me soigner et dormir pendant trois jours!

8h30

Après avoir remercié mille fois Pedro et ses filles, je suis partie en quête d’une auberge accueillante. Mon guide de voyage décrivait deux adresses intéressantes. J’avais choisi la deuxième. Parfaite! Les draps sont propres (ce qui n’est pas un luxe en Bolivie) et je n’ai que trois autres personnes dans mon dortoir, un couple d’Australiens et un Argentin. J’écris ce dernier paragraphe depuis mon lit, la couverture jusqu’au cou et le bonnet sur la tête.

 

Conclusion : j’ai connu des nuits meilleures!!!

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